L'interview des Peppers
Revenus des drogues dures et des cache-sexe mous, les red Hot sont de nouveau prêts à pimenter la scène roch'n'funk. Quatre années d'absence et quelques péripéties hollywoodiennes ne les ont pas affadis.
Ciel bleu, palmiers,
massifs de fleurs tropicales. Le clapotis d'une fontaine rivalise avec
le chant des oiseaux. Biencenue au Beverly Hills Hotel, repaire de stars
et concentré de clichés californiens. Ici, tout est ordre
et beauté, luxe, calme et ... Corrompant l'harmonie, quatre bikers
casqués aux épidermes customisés foulent l'allée
en file indienne, comme jadis le passage clouté d'Abbey Road. Echappés
d'un Marvel comc, flamboyants super.héros, planquant sous muscles
et belles gueules leur failles secrètes, em l'occurence accidents
de moto, changement de personnel et cures de désintoxication.
Une heure plus
tôt, les rRed Hot Chili Peppers ont conclu peur première journée
de promo mondiale. On les a vus galoper à la suite de photographes
charfés de matériel - Flea vêtu d'un bonnet de douche
en plastique et d'un pantalon Adidas, John Frusciante petit frère
de Lord Byron avec ses boucles noires et son teint diaphane, Anthony Kiedis
à qui le bermuda et la coupe de cheveux sage donnent l'air d'un
gamin et Chad Smith grosse baraque bronzée d'allure sportive - s'engouffrer
das leur bungalow avant de'enfin parler à la presse. On devinait
ce qu'ils pouvaient raconter:
"Oui, Dave Navarro,
guitariste / top model en résidence, a cédé sa place
à John Frusciante, de retour après une éclipse narcoleptique
de sept ans. Oui, cet été, ils écumeront les gros
festivals Reading, Woodstock, etc. Oui, ils sont fiers d'avoir enfin mis
en boîte Californication."
Et ils peuvent
l'être. Cet album tout neuf fait part belle aux riffs acrobatiques
d'un Frusciante très en orme, Chad Smith et Flea tiennent impeccavlement
leur rôle de section rythmique de choc, Kiedis y ouvre son coeur
sur des vallades de la classe d' Under The Bridge et déjante
une poignée de funks enlevés.
R&F: Quatre and se sont écoulés depuis le précédent album. où donc étiez-vous passés ?
Flea: Après la sortie de One Hot Minute, nous avons tourné un an. Ensuite, nous avons tenté à plusieurs reprises de composer de nouveaux morceaux mais on ne sentait pas le résultat. Nous avon salors décidé de laisser dave pousuivre son chemin de son côté. Les choses ne marchaient pas vraiment avec lui. On ne l'a pas viré mais on avait tous compris que se passer de lui était la seule solution. Nous avons flandé un an et demi. Et puis, tout à coup, j'ai retrouvé John, on s'est remis ensemble et dans la foulée, on a écrit et enregistré l'album durant les neufs derniers mois.
R&F:Et pis avez repris Rick Rubin comme producteur.
Chad Smith: Pour la troisième dois. Cêst qu'on se sent à l'aise avec lui. Il est le producteur qui nous convient, avec un énorme talent. C'est un ami, il ne manque pas d'humour, a bon caractère. Avec lui c'est simple, on joue du rock et il nous dit ce qui vaut le coup et ce qui craint. On respecte son opinion, même lorsque nous ne sommes pas d'accord.
R&F: Ce qui donne lieu à des batailles rangées ?
Chad Smith: Oui.
A deux reprises, pendant ces séances, j'ai été obligé
de vider la bière de Rick dabs kes tiukettes, Dommage mais cétait
nécessaire...Il a fini par comprendre mon point de vue. Travailler
avec lui est gratifiant, il était très concentré et
très absorbé par l'album. Je crois qu'il était aussi
excité que nous à l'idée de remettre les pieds en
studio.
Flea: Rick nous
préfère au naturel. Il aime notre son à l'éta
brut, celui de nos jams. Il cherche à capturer cette énergie-là
et n'essaie jamais de transformer notre musique en ce que d'autres penseraient
qu'elle doit être.
R&F: Vous composez prinsipalement en jammant ?
Flea: Il n'y a pas de formule préétablie. On ne programme rien, on ne fait que se mettre en condition. La plupart de nos chansons nous viennent cependant en jouant ensemvble. On se réunit, on prend nos instruments et on communique à travers le rock, un processus garanti 100% naturel. L'alchimie prime. D'ailleurs on évite de s'adresser la parole (sourire)
R&F: Ca évite les bières vidées dans les toilettes ?
Flea: Exactement.
R&F: En septembre dernier, vous avez retrouvé vos fans le temps d'une mini-tournée....
Chad Smith: On a donné quelques concerts, testé nos nouveaux morceaux dans de petits théâtres. Excellente sensation cependant.
R&F: Un retour au bon vieux temps avec John ?
Chad: Non, non, c'était tout à fait normal qu'il soit de nouveau parmi nous. NOn selement les shows étaient réussis mais, en plus, nous avons passé de très vons moments tous ensemble. Sans cet incident à Reno impliquant Flea, ç'aurait été parfait.
R&F: Quel incident ?
Chad: On a tenté
de l'arrêter sous prétexte que son permis de conduire était
expiré. Totalement ridicule.
Flea: Des conners
de flics. Ils croyaient que j'utilisais de faux papiers. Un cuchemar.
R&F: FLea serait-il devenu un surfeur acharné ? Expliquez-nous ça...
Flea: Je voyais les gens surfer près de chez moi, dans ma maison australienne. J?ai essayé et fini par devenir accro. Ca me procure des sensations incroyables. J'aimerais bien tester les vagues de Biarritz mais on m'a raconté que l'eau y était polluée. Aucun sport ne supporte la comparaison avec le surf. LA première fois qu'on réuissit à bien prendre la vague, à naviguer dessus avec toute cette eau qui passe par-dessus la tête, c'est magique.
R&F: Impatients de remonter sur scène ?
Chad: On meurt d'envie de retrouver le public. Je me passerai volontiers de certains aspects des tournées mais je ne tiens plus en place à l'idée de refaire du bruit.
R&F: Notre redac' chef serait certainement ravie d'entendre une anecdote tirée de vos carnets de route.
Chad Smith (air
résigné): Il va falloir qu'il en censure une bonne partie.
Toutes nos histoires sont classées X.
Flea: Nous
étions à Baltimore et, comme nous n'avions pas rtop d'argent,
Chad et moi faisions chambre commune. Un soir, de retour dans notre piaule,
je trouve une spatule et des cure-dents cassés sur une table
basse. Levant la tête, je croise une nana en sous-vêtements
qui pique un spirnt. Jistoire de m'annoncer, je gueule: Chad, c'est
quoi ce bordel ? et je trouve Chad dans le placard recevant une gâterie.
Nous êtions plus jeune, on profitait au maximum des groupies. J'ai
donc appelé John et Anthony dans leur chambre, je chuchotais dans
le téléphone: Venez les gars, il y a des filles qui n'attendent
que ça. Trente secondes plus tard, ils cognaient à la
porte. Les filles se sont mises à danser et nous, on leur balançait
des trucs. L'une d'elle était dotée dûne si impressionnante
paire de seins qu'elle s'en servait pour ratrapper des objets.
Chad (désignant
son 45 fillette):Elle a chopé au vol une de mes chaussures.
R&F: A quoi servaient donc les accessoires ?
Flea: Chad tirait
à la courte paille avec les cure-dents et fessait les nanas avec
la spatule.
Chad: Isabelle,
tu aimes les fessées ?
Flea: Je ne suis
pas trop fier de moi rétrospectivement.
Chad: On a arrêté
de délirer maintenant. On ne fesse plus que les journalistes consentantes
(...)
R&F: Redevenons sérieux. Après les chaussettes cache-virilité et les costumes en ampoules électriques, à quoi doit-on s'attendre aujourd'hui ?
Flea: On serait
prêt à faire n''importe quoi pour réussir un show.
C es accessoires servent à repousser plus loin nos limites, à
utiliser nos corps le mieux possible. A l'avenir, je nous verrais bien
sortir de ces énormes gâteaux à étages, tout
de cuir rose vêtus.
Chad Smith: Le
rose exerce une forte attirance sur les filles. Enfin, on aime aussi les
garçons...
R&F à Anthony Kiedis : Vous avez bien récupéré depuis votre accident de moto ?
Anthony (montrant
une fine cicatrice qui court sur le haut de son avant-bras):
Mon poignet restera
à vie engourdi, je nâurai plus les mêmes sensations.
Mon bras fonctionnait bien mieux avant. Oh, salut John. Tu restes avec
nous ?
John Frusciante:
Je m'étais trompé de pièce.
Anthony: Ca me
limite dans certaines pratiques sexuelles, mon poignet ne se plie plus
vers l'arrière, je ne peux plus me tenir sur les mains, etc. Enfin,
je m'adapte.
R&F: Et votre crinière ?
Anthony (angélique):
Un camion a roulé dessus. Non, John a dit qu'il ne nous rejoindrait
pas tant que j'aurai les cheveux long.. Non je me suis tenu trop près
d'un ventilateur... en descendant d'avion. En réalité, j'en
avais ras le bol d'avoir tous ce scheveux.
John: Le plus
drôle c'était la tête de Flea.
Anthony: Je vivais
avec Flea à ce moment-là et je ne l'avais pas prévenu.
Le lendemain, quand je suis descendu pour le petit déjeunder, Flea
a été stupéfait. Choqué. Il avait l'impression
qu'on était de retour au collège.
John: Anthony
avait la même coupe à l'école. Il ressemble à
un de ces anciens acteurs hollywoodiens. C'est charmant.
R&F: C'est bon d'être à nouveau un Chili Pepper ?
John: Fantastique. Je suis ravi d'être revenu. Avant, le futur était incertain, on ignorait dans quelle direction aller et maintenant, tout semble enfin en place. On a tous tout essayé, nous en sommes revenus et désormais nous concentrons nos effors dans la même direction. Nous nous respections tous. Nous avons enfin compris que nous formions la combinaison parfaite.
R&F: Moins de drogues ça aide à y voir plus clair ?
John: Effectivement.
Anthony et moi surtout avec abusé de la cocaïne et d'héroïne.
De bonnes inventions en théorie mais il est impossible de prendre
des drogues dures et mener une vie productive. J'ai vécu des expériences
spirituelles très fortes, ressenti des sensations uniques. Maintenant,
afin de célébrer ces moments de folie merveilleuse que j'ai
traversés drogué, je dois trouver un moyen de revivre cela
sans rien prendre. Et canaliser ces impressions par le biais de ma musique.
Jouer de la guitare est devenu une forme d'addiction.
R&F: Parlons de nouvelles chansons. Les textes de Californication feraient-ils allusion à Courtney Love ?
Anthony: Non, non. Rien à voir avec elle. Je suis content que cette question soit posée. Ca me donne l'occasion de nier en bloc lui avoir consacré Californication. J'ai même utilisé l'expression Celebrity Skin bien avant la sortie de son album.
Et la mention de Kurt Cobain dans la même chanson, alors ?
Anthony: Quand je pense à Kurt, son image, ses paroles, son regard, la beauté qu'il nous a apportée pendant son bref passage ici me reviennent à l'esprit. Je ne pense pas à Courtney en tous cas. Sa musique et la mienne n'ont rien en commun. Celebrity Skin était un groupe glam de Hollywood.
R&F: Hollywodd revient souvent dans vos textes...
Anthony Kiedis: C'est une source d'inspiration romantique et nostalgique pour moi. Dans tous ses aspexts d'ailleurs, La Californie mâ toujours insipré et ce, dès mon arrivée ici, quand j'étais gosse. Je vois toutes les grandes choses que l'industrie du cinéma a produites, l'énergie qui flotte ici. Je vois aussi tout le côté ridicule des choses, ça ne me trouve pas, ça m'amuserait même plutôt. Ma relation avec Hollywood est de nature passionnelle. J'habite ici, j'y ai tous mes amis et c'est là que j'ai monté mon groupe.
R&F: Les paroles de Scar Tissue ou Around The World ont une résonance personelle et très mature.
Anthony: Ces chansons sont nées dans des circonstances très différentes. Scar Tissue m'est bomée dessus au moment précis où j'ai entendu les autres jouer cet air. Comme si un influy extérieur était parvenu à fusionner la mélodie et des paroles apparues subitement dans mon inconscient. Around The World était une autre affaire. J'ai écrit les couplets avnat le refrain. J'y raconte mes expériences de voyage, le fait d'être membre d'un groupe, de vivre des choses un peu extrêmes. Roberto Begnini et son film génial m'ont également beaucoup inspiré.
R&F: Votre opinion sur Under The Bridge repris par les All Saints.
Kiedis: Je n'ai rien ressenti du tout. De tous les fens susceptibles de nous reprendre, les All Saints n'étaient pas vraiment le froupe le plus excitant à mes yeux. Je ne les critique pas, j'espère qu'elles se sont bien amusées. Je suis flatté qu'on aime à ce point mes chansons mais ç'aurait été autrement plus génial si Fugazi l'avait fait à leur place.
R&F: Qui sont vos héros de toujours ?
Anthony Kiedis:
Lou Reed, qui m'a donné énormément à travers
sa musique, sa voix, ses paroles et son groupe.
John Frusciante:
Bowie (affiché sur son T-Shirt), Jimmy Page (en duo avec
Puff Daddy pour la BO de Godzilla). Matthew Ashman de Bow Wow Wow, mort
aujourd'hui, est mon guitariste préféré.
Anthony: Ce groupe
s'est faufilé pour la seconde fois dans nos textes. Nous l'avions
mentionné dans Suck My Kiss auparavant. Il figue dans Right
On Time cette fois.
John: Grâce
à moi, qui l'adre. Je pense que nous écrivons de la même
manière. Chacune de nos personnalités se mêle à
celle des autres, contrairement à certaines groupes dont les énergies
s'écrasent. Nous essayons de nous compléter, de former un
vrai gang, de superposer les différents textues de nos instruments.
R&F: Comment avez-vous géré l'écrasante célébrité survenue en 1991 ?
John Frusciante
(en
riant): Anthony a aimé. Moi pas.
Anthony Kiedis:
Très bon résumé. J'ai adoré cela. Ca faisait
si longtemps qu'on existait, le changement n'a pas été brutal
mais plutôt graduel. Je me souviens de mon excitation un matin, lorsqu'une
auto m'a dépassé pendant mon jogging. Notre disque passait
sur son autoradio ! J'exultais à l'idée qu'un morceau né
de façon si intime puisse soudain surgir de la voiture des gens.
Je n'ai jamais laissé la célébrité saboter
ma vie et ai cherché à prendre 4a à la légère,
à en profiter.
John: Je n'ai
pas encore eu l'occasion de me mettre dans la peau de quelqu'un de connu,
de voir commence cela affectera ma vision du monde, de ce qui me touche.
Si le contenu émotionnel de nos morceaux est la raison pour laquelle
on nous aime, alors...
Anthony: Que Captain
Beefheart ne soit jamais devenu aussi populaire que les Spice Girls ne
me perturbe pas spécialement. Aux yeux des gens, comme John, pour
qui Beefheart compte, il signifie autant, voire plus, que si des foules
l'adulaient. Quand notre premier disque est sorti, on se considérait
comme les meilleurs du monde, alors qu'on ne vendait rien. Cette expérience
était aussi forte et pleine de sens que de sortir un album aujourd'hui.
R&F: Vous vomptez écrire une chanson pour le prochain long métrage de Beavis & Butt-Head ?
Anthony Kiedis
(rire
général. Flea entre à cet instant précis):
J'ignorais qu'ils tournaient un nouveau film. La chanson que nous leur
avions donnée étiat une chute.
Flea: non,
Roallercoaster
a été enregistré spécifiquement pour eux.
Anthony: Je confondais
avec Search and Destroy.
John: Qui figurait
sur la Beavis and Butt-Head Experience
Flea: On a tourné
un clip avec eux.
R&F: Vous avez sympathisé ?
Anthony: Tu m'étonnes
!!
Flea: Ils comptent
parmi nos amis les plus proches, Tu savais qu'ils aiment les petites françaises
? Ils sentent bien qu'elles craquent pour leur sens de l'élégance
et leur romantisme.
Recueilli
par Isabelle Chelley, R&F n°382 juin 99
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